Patrick, mon ami...
Patrick CÉGIELSKI est d'abord pour moi un ami. J'ai relu le texte qu'il a écrit pour le temps de ma jeunesse à l'époque où je portais aisément mes soixante ans. Je vous reparlerai de ce texte. Patrick y indique qu'il fut mon élève numéro zéro, ce qui me flatte énormément mais, en fait, il ne fut jamais officiellement inscrit sous ma direction. Vous voyez : quand je parle de Patrick, je commence à parler de moi. Mon épouse ici présente a insisté à plusieurs reprises quand je rédigeai ce texte pour me signifier de ne pas (trop) me mentionner et plutôt de parler de Patrick. Mais, avec peut-être pas la meilleure volonté du monde, je ne peux faire autrement que de citer simultanément nos parcours. Je dois dire que nos intérêts, activités, productions scientifiques et institutionnelles furent réellement imbriqués pendant trois décennies avant que je ne lui fasse - à partir de 2010 - des infidélités professionnelles en me tournant vers la Chine.
J'ai apprécié dans ce pays-continent les étudiants et l'immense univers de la culture chinoise qui a des équivalents, comme la culture française ou comme le champ non bornable des découvertes mathématiques humaines. J'ajoute aujourd'hui que Patrick fut l'un des moteurs du congrès que mes élèves ont dédié à mes soixante ans et je les salue tous en la personne de mon élève de thèse numéro 1 : Malika MORE, cheville ouvrière de cette conférence de 2002. Patrick y écrivit un texte : « Quelques notes sur Denis Richard et ma collaboration avec lui ». Relisant ce texte sérieusement documenté, qui me va droit au cœur par une reconnaissance très certainement excessive de mes mérites, j'ai parfois la tentation narcissique de l'envoyer à tous les membres de ma famille et à tous mes collaborateurs, maîtres et élèves sous forme brochée. Ce texte peut en cas de sciatique récurrente, comme j'en vis une aujourd'hui, me servir de Lamaline tant il positive sur mon passé mathématique. Mais, comme dirait Martine, revenons à Patrick que je remercie de ce texte écrit sur moi il y 20 ans.
Patrick, élève et professeur. - Parlons donc de Patrick né en 1954. Études en prépa en 1971 au Lycée Chaptal avant d'entrer à l'École Normale Supérieure de Cachan pour y vivre de 1974 à 1979 des réussites dans les deux Maîtrises de Mathématiques et d'Informatique, et à l'agrégation. Cursus et formations disciplinaires complètes, complétés par, d'abord, une Chaire de Mathématiques élémentaires au Lycée Dorian de 1981 à 1984, puis par une Chaire de Mathématiques Spéciales aux Écoles Supérieures de l'Armement Terrestre de 1984 à 1987, et enfin, de 1987 à 1993, par une nouvelle Chaire de Mathématiques Spéciales au Lycée Voillaume d'Aulnay-sous-Bois. J'ai su que, dans cette Chaire, les Inspecteurs de l'Éducation Nationale ont apprécié la valeur ajoutée exceptionnelle de l'apport scientifique et pédagogique qu'apportait Patrick. Évidemment à vivre de tels apprentissages en enseignement et avec une formation de normalien tant mathématique qu'informatique et pédagogique, Patrick ne pouvait que recevoir l'appel du grand large : la Recherche.
En même temps, bien que les classes de prépa laissent rarement des loisirs à leurs professeurs, celui-ci passe sa thèse de troisième cycle sous les directions de Roland FRAÏSSÉ, Bruno POIZAT et Kenneth Mac ALOON puis sa thèse d'état sous la direction de Serge GRIGORIEFF, comme moi quelques années plus tôt. C'est dire que nous sommes plutôt collègues et amis que Maître et Élève. D'ailleurs la relation « maître-élève » a été logiquement symétrisée par Herbert B. ENDERTON qui, remerciant dans une préface l'ensemble de ses maîtres, y incluait ses élèves.
En 1993, Patrick devient Professeur des Universités, responsable du campus de Fontainebleau de l'Université Paris XII, dite Université Paris Est Créteil (UPEC), et cela durera cinq ans (de 1994 à 1998), puis Chef du Département Informatique de son IUT durant huit ans (1999-2000, 2001-2007) et membre du Conseil d'administration de l'Université Paris XII durant quinze ans (trois mandatures). Les douze années qui séparent nos anniversaires se rétrécissent à quatre ans quand il s'agit d'intégrer les IUT. Pardonne-moi encore Martine de revenir sur nos parcours communs mais Patrick et moi nous nous sommes intégrés presqu'ensemble et avec enthousiasme dans ces institutions parfois universitairement décriées : lui, Patrick Cégielski, l'ancien normalien, professeur expérimenté de taupe en 1993 et moi, l'étudiant d'Orsay, le pensionné des IPES, le Maître-assistant de la Faculté d'Alger, envoyé en 1989, comme Professeur des Universités en mission en IUT par Serge GRIGORIEFF qui pensait - à juste titre - que j'y ferai ma place.
Nous avons trouvé dans ces instituts tout d'abord une population étudiante sélectionnée au prétexte de la limitation du nombre des machines ou des moyens en travaux pratiques, sélection qui faisait pièce à la volonté idéologique des associations étudiantes fourvoyées dans la non-sélection destructive des élévations individuelles et des ascenseurs sociaux. Cette non-sélection universitaire, hors IUT heureusement, fut et est consommatrice et gaspilleuse des ressources humaines et des moyens. Cette non sélection est productive d'hyper-sélection sur le moyen terme. J'ai découvert qu'on enseignait dans les IUT la science qui se fait et non l'histoire répétitive des sciences parfois utilisée ailleurs comme filtre social en lieu et place de l'émulation scientifique et de l'ambition de connaître. Dans plusieurs textes avec Jean-Pierre RAOULT ou avec Jean-Pierre RESSAYRE, nous avons tenté d'expliquer cela mais nous n'avons jamais vraiment réussi à percer l'armure de la doxa universitaire.
La première rencontre entre Patrick et moi se fit dans une salle souterraine du Campus de Jussieu (dite le Sous-marin, je crois) au Séminaire général de Logique de Paris VII dans lequel Patrick venait d'exposer des éléments de ce qui deviendra sa thèse en mars 1980. Il y a des moments qui marquent une vie mathématique - comme ma rencontre avec Patrick.
Vous me pardonnerez de donner un autre exemple personnel de tels moments ou résultats mathématiques dont certains furent importants pour Patrick comme pour moi. Mon premier tel moment mathématique marquant advint le jour où le professeur de classe de quatrième (ou de cinquième) annonça à ma classe qu'il y avait un nombre qui multiplié par lui-même donnait 2. Le désenchantement suivit quand mon professeur, prétendant détenir la racine de 2, questionné plus avant ne put - et pour cause - donner que des approximations de ce soi-disant nombre soi-disant réel. Je me suis dit que j'avais un soi-disant professeur qui pour trouver la racine de 2 affublait le nombre 2 d'un soi-disant chapeau et prétendait avoir trouvé le soi-disant nombre qu'il cherchait. La vie mathématique est dure aux collégiens.
En fait, la racine de 2 est le début de quelques contestations institutionnelles fondées sur des dénominations discutables, comme la réalité des nombres dits réels qui sont aussi peu réels que les complexes ne sont compliqués si on admet la réalité inadmissible des réels.
Un autre événement fut plus tard encore, pour Patrick comme pour moi, un moment mathématique déterminant dans lequel Jeff PARIS et Léo HARRINGTON ont démontré en 1977 un théorème « naturel » vrai (il a une démonstration au second ordre logique) et non démontrable dans l'arithmétique du premier ordre de Peano. Ce théorème est dit de Ramsey fini renforcé et le voici : Pour tous entiers n, k, m tels que m ≥ n, il existe N tel que si on colorie tous les sous ensembles à n éléments de S = {1, 2, 3,..., N} avec une couleur choisie parmi k, on peut trouver un sous-ensemble Y de S ayant au moins m éléments, tel que tous les sous-ensembles à n éléments de Y ont la même couleur, et que le nombre d'éléments de Y est au moins égal au plus petit entier de Y. Le renforcement porte sur la cardinalité de Y qui doit dépasser le minimum de Y.Ce résultat venait en contrepoint de la découverte dans un livre de SIERPIŃSKI (250 problèmes en Théorie des Nombres, Hachette, Paris, 1972) d'une preuve élémentaire due à ERDÖS du Postulat de Bertrand selon lequel il y a toujours un nombre premier entre n et 2n pour n > 1.
Le résultat de PARIS et HARRINGTON de 1977, je l'ai exposé au Séminaire général de Logique de Paris VII vers 1988, séminaire auquel Patrick et moi étions assidus. Ce qui me ramène à Patrick puisque, il y a exposé le cadre de sa démonstration « élémentaire » du théorème de Dirichlet sur l'infinitude des nombres premiers dans une progression arithmétique. En fait, il semble que notre rencontre et notre accord pour travailler ensemble remonte à 1979 et que, de ce séminaire de Paris VII et de cette année là parte une coopération qui durera les trois décennies mentionnées plus haut. Cette collaboration restera multiforme à la fois de travaux de recherche et d'organisation institutionnelle.
Ainsi la même preuve du théorème de Dirichlet apparaîtra, plus tard, dans les conférences du premier Colloque National de la Recherche en IUT comme contributions à ses Actes publiés dans Quadrature, le Magazine des mathématiques pures et appliquées sous le titre « C'est é-lé-mentaire ». Le caractère didactique de l'article est assumé par les connaissances historiques profondes de Patrick qui commence par une large discussion de ce qu'on peut nommer preuve élémentaire ou preuve transcendante en classifiant les preuves successives de DIRICHLET, SHAPIRO, SELBERG, ERDÖS et finalement la sienne dans un cadre généralisable. Ce cadre fut utilisé par Olivier SUDAC pour prouver de façon élémentaire le théorème des nombres premiers de De La Vallée-Poussin. Les méthodes transcendantes font appel à la théorie analytique des nombres et notamment à la théorie des fonctions complexes. Les preuves transcendantes précèdent souvent les preuves élémentaires et celles-ci reviennent souvent à mimer les preuves analytiques dans des théories comme IΣ1 (théorie où les récurrences ne portent que sur les parties récursivement énumérables) ou PRA, l'Arithmétique Primitive Récursive. On retiendra aussi la Thèse 2 de l'article de Patrick qui n'est pas un théorème mais qui nous rassure comme le fait la Thèse de Church en Calculabilité : Tout théorème mathématique classique est conséquence de la théorie IΣ1.
L'article intitulé « C'est é-lé-mentaire » nous amène à une bifurcation du présent exposé : d'une part les travaux de recherche de Patrick, et d'autre part son œuvre de militant des mathématiques. En d'autres termes : travailler en recherche sur les arithmétiques faibles d'une part et, d'autre part, lancer un colloque national de la recherche en IUT. Commençons par cette dernière activité.
Patrick Cégielski, le militant des mathématiques. Avons-nous, Patrick et moi, réellement organisé le premier colloque de la recherche en IUT en février à Clermont-Ferrand ? Historiquement, et pour obéir aux idées dominantes, un colloque sur « La recherche universitaire et les transferts de technologie dans les IUT » s'était tenu à Saint-Nazaire les 2-3 février 1995. Ce congrès répondait à cette époque à une politique ministérielle visant à maintenir les IUT dans la formation de techniciens et ses enseignants ou enseignants-chercheurs dans une vision de la recherche axée sur les transferts de technologie et censée ne pas déborder sur des questions théoriques, implicitement réputées hors d'atteinte d'esprits praticiens. Il ne fallait pas non plus que le DUT fît trop d'ombre aux propédeutiques universitaires et que le niveau théorique d'étudiants censés être des praticiens de la production soit meilleur dans leurs poursuites d'études que celui des étudiants des facultés. Malheureusement c'était le cas et la situation n'a fait qu'empirer aux yeux du ministère puisque, avant l'an 2000, c'est bientôt 90 % des titulaires de DUT qui allaient poursuivre (et avec succès le plus souvent) leurs études après le DUT à Bac+ 2. Par ailleurs, comme l'a écrit Patrick, « Beaucoup de jeunes enseignants hésitaient à se présenter sur un poste de Maître de Conférences en IUT ou, fraîchement élus, se demandaient s'ils allaient pouvoir continuer à faire de la recherche ». Finalement Jean-Pierre RAOULT, Patrick et moi, organisons ce « premier » colloque de la Recherche en IUT à Clermont-Ferrand. Malgré quelques obstacles institutionnels mettant en cause la possibilité de l'existence d'un tel congrès sans permission officielle (à qui demander une autorisation ? pourquoi ? sur quels textes se fonde la nécessité de cette éventuelle autorisation ?), le colloque eu lieu les 14-15-16 février 1996 (CNRIUT'96). Et même, divine surprise, le Directeur de l'Enseignement supérieur vint le visiter, ne prévenant que très tard de sa venue ! Le CNRIUT'96 vit donc ainsi le jour sans reconnaissance officielle bien qu'officiellement visité et organisé sur une idée complètement universitaire de la Recherche, indépendamment des consignes ministérielles. Le Ministère l'abandonna aux chercheurs des IUT. Et notamment à Patrick, qui ayant toujours beaucoup de temps (!!), se chargea des Actes publiés dans Quadrature. Ce fut un réel succès, suivi de celui du CNRIUT'97, tenu en mai 1997 à l'IUT de Blagnac. Ce second colloque était destiné à faire le point sur la recherche universitaire au sein des IUT dans les thématiques relevant des Mathématiques, de l'Informatique, de la Physique et de la Statistique. Les travaux présentés abordent les problèmes de modélisation et de simulation, via des applications dans les différents domaines cités. Les deux premiers colloques limités aux mathématiques et à l'Informatique sont étendus par Patrick lors du CNRIUT'98 à tous les secteurs secondaires. Le colloque a lieu chez Patrick à Créteil et à Fontainebleau. Les Actes de ce colloque du CNRIUT'98 sont coordonnés et présentés dans une édition de 580 pages chez l'Harmattan par Patrick. Sur 54 conférences, 14 sont dues aux IUT de Sénart-Fontainebleau, de Clermont et de Montluçon. On y apprécie aussi une (courte) préface de Pascal COLOMBANI, Directeur de la Technologie au Ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie. Cette fois monsieur COLOMBANI nous conseille « un positionnement large allant du fondamental à l'appliqué, voire au développement ». Cette autorisation d'accès au « fondamental » de la recherche dans les IUT nous a été droit au cœur et mérite d'être saluée.
Patrick et moi demeurons dans les comités d'organisation et de lecture des CNRIUT qui suivent : le CNRIUT'99 a lieu à Aix-en-Provence en y ajoutant les disciplines du tertiaire et les Actes publiés toujours à l'Harmattan. Le CNRIUT' 2000 a lieu à Bourges en juin avec 99 communications et l'apport des quatre IUT de l'Université d'Orléans. Les Actes en deux volumes comptent 1110 pages et sont publiés aux Presses Universitaires d'Orléans. Patrick y présente la vérification d'un site WEB. Le CNRIUT 2001 a lieu à Roanne en juin avec 97 communications et conférences et des Actes (2 tomes et 988 pages) édités aux Publications de l'Université de Saint-Étienne. Notre insertion universitaire pleine et entière est reconnue. Le CNRIUT 2002 a lieu en mai au Creusot, et c'est l'Université de Bourgogne qui en publie les Actes.
Patrick et moi n'y participons pas, pour la première fois, du fait du Congrès « 60-ième anniversaire de Denis RICHARD » dont le Comité d'organisation est présidé par mon élève Numéro 1, Malika MORE qui a mobilisé le LLAIC1 et avec un Comité de programme présidé par Patrick.
Nous nous fâchons lorsque l'excellent Président de l'ADIUT Antoine de la Chasserie impose le choix d'un IUT (par ailleurs tout à fait honorable bien entendu) « parce que cela l'arrange politiquement ». Certains sont forts pour récupérer le travail des autres une fois que cela marche à leur avantage (même si nous considérons toujours qu'Antoine fut le meilleur Président de l'ADIUT).
À ce stade nous pouvons citer le livre blanc des IUT paru en 2004 qui trace un bilan du chemin parcouru, chemin dans lequel l'action de Patrick fut décisive. Cette militance de Patrick fut dans le cas des CNRIUT nationale, d'abord mathématique et informatique, puis scientifique et enfin pluridisciplinaire. Les actions que nous avons initiées avec Patrick étaient nécessaires compte tenu du fait que la recherche en IUT était une réalité qui demandait de l'initiative et des structurations. Il faut réaliser en fait que, fin 2004, l'effectif recherche comptait, en IUT, 4 807 enseignants-chercheurs dont 849 Professeurs des Universités et 3 958 Maîtres de Conférences, constituant ainsi un important potentiel, auquel s'ajoutaient les IATOS et personnels de statut second degré également engagés dans des actions de recherche. En 2004-2005, on a recensé 161 laboratoires hébergés dans 68 IUT (source : Livre blanc sur le système IUT après 40 ans d'existence : Histoire, Bilan et Perspectives).
Une des raisons multiples pour que Patrick ne parte pas en retraite effective serait d'assigner la mission à un universitaire chevronné comme lui de regarder de plus près la recherche en IUT. Soyez sûrs du fait que, malgré tout, les graines semées par les Colloques sur la Recherche en IUT ne sont pas perdues et continuent de fructifier.
À partir de 2014, et quoiqu'il en soit au niveau national, Patrick crée les Journées de la Recherche à Sénart-Fontainebleau sur un rythme annuel périodique, qui verront de 2014 à 2021 cinq éditions et la publication des livrets correspondants.
Nous avons survolé le militant actif au niveau national car je pense que le système français des IUT lui doit beaucoup. Passons maintenant à l'activiste international des mathématiques.
L'activiste international des mathématiques. À la suite de la thèse de Patrick CEGIELSKI « Quelques résultats sur les Arithmétiques Faibles », Serge GRIGORIEFF et Patrick organisent en juin 1990 à l'École Normale Supérieure de Lyon les « Premières Journées sur les Arithmétiques Faibles (JAF) ». Très vite, un comité scientifique permanent est mis en place avec évidemment Patrick, et notamment notre ami commun Jean-Pierre RESSAYRE, Directeur de recherches au CNRS. De 1990 à 1995, les JAF(i), pour i variant de 1 à 12, se déroulent (deux fois par an) dans les lieux et universités suivants dans l'ordre qui suit : Lyon 1, Paris VII, Clermont 1, Paris VII, Clermont 1, Paris VII, Clermont 1, Paris VII, Clermont 1, Clermont 1, Paris XII, Clermont 1, Paris XII et à nouveau Paris VII. C'est dire qu'il s'agit d'un congrès certes international et qui réunit les spécialistes du monde entier mais reposant seulement sur quatre équipes françaises : Le LITP (Laboratoire d'Informatique Théorique et Programmation), l'Équipe de Logique de Paris VII, le LLAIC1 de l'Université Clermont 1 d'Auvergne (Laboratoire de Logique, Algorithmique et Informatique de Clermont 1) et le LACL (Laboratoire d'Algorithmique, Complexité et Logique) dont Patrick est membre. C'est un congrès en France et très international qui a reçu, reçoit les meilleurs logiciens du monde et pour n'en citer qu'un : Yuri MATIYASEVICH, qui répondit au dixième des 23 problèmes posés par HILBERT au deuxième congrès international des mathématiques (1900) à Paris. Le Professeur MATIYASEVICH fait partie du comité d'organisation du Congrès International des Mathématiques qui devait se dérouler cette année dans sa ville de Saint-Pétersbourg et que l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont fait rapatrier à Helsinki. C'est en 1996 que les JAF se décident à sortir de l'Auvergne et de l'Île de France pour atteindre la Lorraine à Metz. C'est en 1997 que l'Institut Steklov de Saint-Pétersbourg accueille les 14th Weak Arithmetics Days (WAD). Le parcours européen des JAF ou des Weak Arithmetics Days, (mais l'intitulé anglophone ne fera pas long feu, on ne sait pas pourquoi) est lancé de la Belgique à Mons par les 15-ièmes journées, de la Pologne à Varsovie (JAF 16, JAF 29), de l'Italie à Naples (JAF 22) et à Florence (JAF 37), de l'Espagne à Séville (JAF 26), de la Grèce à Athènes (JAF 27, JAF 32, JAF 40) et dans l'île de Samos (JAF 31), du Portugal à Lisbonne (JAF 35), et aussi en Suède à Göteborg (JAF 33). Le parcours arménien et russe des JAF compte, outre les 14-ièmes Journées de l'Institut Steklov, les JAF 23 tenus à Yerevan et deux nouvelles éditions des JAF (les JAF 21 et les JAF 36) à Saint-Pétersbourg. N'oublions pas le continent américain puisque les JAF y ont tenu leurs 18-ième, 34-ième et 38-ième éditions à New York.
Depuis le départ de France des JAF à l'occasion de leur 13ième édition, il ne faut pas croire que Patrick et les logiciens français, nous nous sommes déchargés de l'organisation d'un congrès qui nous tient à cœur : les 17 et 19-ièmes journées ont été reçues à Clermont, les 24 et 28-ièmes journées eurent lieu à Fontainebleau, les 29-ièmes dédiées à Yuri GUREVICH ont malheureusement été annulées par le COVID bien que programmées par Patrick. Les JAF 41 qui devaient se tenir à Moscou furent annulées par Vladimir POUTINE qui eut la très mauvaise idée d'envahir l'Ukraine.
Ces journées deviennent donc un congrès classique incontournable avec un comité de programme composé pour sa 40-ième édition à Athènes de P. Cégielski (U. Paris XII), J. Cervelle (U. Paris XII), A. Cordón-Franco (U. Seville), C. Dimitracopoulos (U. Athens), A. Enayat (U. Göteborg), A. Esbelin (U. Clermont-Ferrand), N. Thapen (Czech A. Sciences, Prague). Ce comité et les Actes de 40 éditions des JAF démontrent le rôle fédérateur efficace, éminent et irremplaçable que sut jouer et saura encore jouer Patrick au niveau international. On lui doit donc une retraite aménagée par de nombreuses missions dans l'intérêt supérieur des mathématiques internationales et notamment des Arithmétiques Faibles.
Les Actes édités par Patrick dédiés aux Arithmétiques Faibles sont très importants tant par la qualité des intervenants, par celle de ses co-éditeurs : Roman KOSSAK, Ali ENAYAT, Costas DIMITRACOPOULOS notamment (je ne saurais les citer tous) que par la notoriété des éditeurs, qu'on en juge : (TCS) Theoretical Computer Science, en 2001 et 2004, puis les Lectures Notes de Stanford aux CSLI Publications (Studies in Weak Arithmetics) en 2010, 2013 et 2016. Dans l'édition de 2013, Patrick et moi saluons la mémoire de notre regretté et chaleureux collègue australien Alan WOODS (In memoriam of Alan Robert Woods).
Il est certain qu'à vouloir retrouver toutes les traces de l'activité de Patrick, on est sûr de n'être pas exhaustif, mais je n'oublierai pas l'aide décisive que Patrick et Jean-Pierre RESSAYRE m'ont apportée lors de l'organisation du Logic Colloquium 1994 (240 participants de 41 pays à Clermont), organisation dans laquelle mon mauvais caractère m'avait valu quelques brouilles amicales avec des collègues logiciens parisiens... Merci Patrick, merci Jean-Pierre. Là encore Patrick est associé aux éditions des Actes de ce Logic Colloquium' 94 parus aux Annals of Pure and Applied Logic et dont la préface est signée de Patrick CÉGIELSKI, Leszek PACHOLSKI, Denis RICHARD, Jerzy TOMASIK et Alex WILKIE (1997).
Patrick Cégielski, pédagogue, traducteur, historien, juriste. Avant d'en venir au chercheur, on doit rappeler l'expérience didactique complète de Patrick : professeur de Terminale, de Mathématiques spéciales, de DUT, de Licence et de Maîtrise. Patrick est d'ailleurs lui-même créateur d'un Master « Droit du numérique » de l'Université Paris XII.
Les traductions de Patrick commencent avec celle du livre de Yuri MATIYIASEVICH sur la résolution du Dixième problème de Hilbert que nous avons commise à trois personnes : Patrick, un ecclésiastique en retraite, l'Abbé François GAILLARD et moi-même dans une vieille maison familiale délicieusement provinciale de Ribérac en Dordogne. Saluons Patrick cet abbé que tu as bien connu, skieur émérite, qui aimait effectuer la traversée à ski du Mont Dore à Super Besse, qui a guidé plusieurs fois les participants des JAF au Puy-de-Dôme et qui fut, comme Irène et toi l'êtes, amoureux des montagnes auvergnates. Quant à moi, je salue ici sa mémoire pour tout ce qu'il a apporté d'attention, de travail et de tâches matérielles assumées dans mon laboratoire nommé LLAIC un peu en contrepoint ironique et amical de l'état ecclésiastique de l'abbé GAILLARD. Pour en revenir aux traductions, après l'œuvre cité de Yuri qui fut revue par l'auteur lui-même, tu as traduit un livre de Fondements des bases de données, de Serge ABITEBOUL, Richard HULL & Victor VIANU, chez Addison-Wesley (1995), puis des articles choisis par toi dans deux ouvrages du célèbre Donald E. KNUTH. Le premier recueil est tiré des Éléments pour une histoire de l'informatique, et le second d'Algorithmes, ouvrages tous deux édités aux CSLI Publications de Stanford et à la Société Mathématique de France. Vient ensuite KNUTH par KNUTH : conversations avec Dikran KARAGUEUZIAN et enfin un roman que j'ajoute à ma liste de livres à lire cet été. Ce roman paru en 2020 est du même Dikran KARAGUEUZIAN : Quitter Damas.
Pédagogue, traducteur, Patrick est aussi historien lorsqu'il présente en une cinquantaine de pages son Historique de la théorie élémentaire des ensembles dans les Fragments d'histoire des Mathématiques II (brochure A.P.M.E.P. 65, 1987) et qu'il développe en 34 pages Un Fondement des Mathématiques dans La recherche de la vérité aux ACL-éditions, en 1999.
Patrick informaticien. C'est la partie que je connais le moins bien de son activité : en fait Patrick est officiellement professeur d'informatique en 27ième section du CNU, en classe évidemment exceptionnelle et il est, dans ma tête, également de classe exceptionnelle comme mathématicien et militant des mathématiques.
Revenons à l'informaticien, d'abord au niveau didactique comme auteur de manuels d'informatique que je ne saurais lire que comme étudiant : c'est d'abord la Conception des systèmes d'exploitation : le cas Linux (Eyrolles, 650 p., octobre 2003). puis la seconde édition de cette même Conception des Systèmes d'exploitation (Eyrolles, XIII + 680 p., septembre 2004) et aussi la Conception du sous-système réseau : le cas Linux (2005), uniquement en ligne. Patrick participe aussi à un ouvrage collectif, qui est une Introduction à la science informatique pour les enseignants de la discipline en Lycée parue au Centre Régional de Documentation Pédagogique de l'Académie de Créteil.
L'informaticien, comme le mathématicien, est un chercheur. En témoigne sa participation à des conférences d'informatique telles que celle de l'European Association for Computer Science Logic (EACSL) ou le LIPICS (Leibniz International Proceedings in Informatics) dans lesquelles il intervient et publie les Actes avec Arnaud DURAND, Andreas BLASS et quelques autres chercheurs informaticiens que je n'ai pas l'honneur de connaître (ces articles sont précisément édités par Patrick et Arnaud DURAND dans Computer Science Logic (CSL'12) - 26th International Workshop/21st Annual Conference of the EACSL, dans LIPICS et dans Springer, Lecture Notes in Computer Science en 2020 par Andreas BLASS, Patrick, Nachum DERSHOWITZ, Manfred DROSTE, and Bernd FINKBEINER, sous le titre Fields of Logic Computation III et sont des essais dédicacés à Yuri GUREVITCH à l'occasion de son 80-ième anniversaire).
Patrick mathématicien
Les cercles cégielskiens. Il existe bien des cercles célèbres outre le cercle des poètes zutiques de RIMBAUD ou celui des poètes disparus de Peter WEIR. On connaît le cercle des 9 points d'EULER de ma classe de troisième quand on y apprenait des mathématiques (ce cercle dit d'EULER est dû en fait à FEUERBACH, pour être précis devant l'historien qu'est Patrick), le cercle d'Apollonius (description : 3 cercles exinscrits dans le cercle circonscrit à un triangle donné dont les points de tangence entre le cercle circonscrit et les inscrits se situent sur les droites passant respectivement par l'orthocentre et par un des sommets du triangle), le cercle numérique de DUCCI qui nous rapproche de motifs peut-être intéressants pour Patrick (on place 4 nombres en 0, π/2, π et 3 π/2 d'un cercle et on fait les différences des nombres rencontrés successivement dans le sens direct sur le petit cercle, nouveaux nombres qu'on place sur un cercle concentrique plus grand en π/4, 3π/4, 5π/4 et 7π/4, puis on recommence avec un nouveau cercle concentrique plus grand qui recevra les différences successives qu'on placera en 0, π/2, π et 3 π/2. On aboutit toujours sur un quadruplet de mêmes nombres.
Je propose ici d'introduire les cercles cégielskiens.
Un premier cercle cégielskien (1978-1990). Le premier cercle des chercheurs qui entourent Patrick est parisien et est constitué de Bruno POIZAT, Kenneth Mac ALOON, alors en poste à Paris, et Serge GRIGORIEFF. Ce cercle entoure Patrick qui, bien que (ou en même temps que) professeur de taupe rédige une thèse de troisième cycle présidée par Roland FRAÏSSÉ mais dirigée par Bruno POIZAT et Kenneth Mac ALOON. Il s'agit de Modèles récursivement saturés de l'addition et de la multiplication des entiers naturels, présentés avec le logicien anglais George WILMERS au Logic Colloquim 80. Viendra ensuite une thèse d'état sous la direction de Serge GRIGORIEFF : Quelques contributions à l'étude des Arithmétiques Faibles (publiée au LITP (Laboratoire d'Informatique Théorique et Programmation) en 1990. Il se disait à l'époque que SKOLEM avait montré la décidabilité de la Théorie élémentaire de la multiplication. En fait, SKOLEM avait choisi cinq exemples illustrant sa méthode de décision et avait déclaré que la méthode était complètement générale. Cette décidabilité et la non finie-axiomatibilité de la théorie élémentaire de la multiplication ont été démontrées par Patrick qui les a annoncées dans une note au Compte Rendu de l'Académie des Sciences (C.R. Acad. Sc. Paris) de 1980 et publiées dans son article « Théorie élémentaire de la multiplication des entiers naturels » édité chez Springer-Verlag en 1981. Craig SMORINSKY signale en 1991 dans le classique « Logical Number Theory » ce résultat en écrivant (je traduis) « Ceci fut fait en 1980 par Patrick CEGIELSKI qui transforma l'élimination des quantificateurs pour la théorie de l'addition en une autre pour la théorie de la multiplication ». Craig SMORINSKY reconnaît aussi la paternité de l'axiomatisation de la théorie élémentaire de la multiplication, axiomatisation parue dans le papier : La Théorie élémentaire de la multiplication est conséquence d'un nombre fini d'axiomes de IΣ0.
S'ensuivent une série de résultats qui annoncent que La théorie élémentaire de la divisibilité est finiment axiomatisable (C.R. Acad. Sc. Paris), que The Elementary Theory of the Natural Lattice is finitely axiomatizable (Notre Dame Journal of Formal Logic), que La théorie des corps réels-clos inductifs est une extension conservative de l'arithmétique de Peano (C.R. Acad. Sc. Paris), et qui présente La théorie des corps inductifs archimédiens rationnellement complets (C.R. Acad. Sc. Paris). En fait tout ce travail servira la recherche fructueuse des preuves élémentaires de théorie des nombres, précisant et complétant les travaux de Georg KREISEL à qui l'on attribue une preuve dans PA (l'Arithmétique de Peano) du théorème de DIRICHLET et de Gaisi TAKEUTI qui a proposé une extension conservatrice de PA contenant l'analyse réelle et complexe élémentaire et même la théorie analytique des nombres. Une fois encore, la première preuve du théorème de DIRICHLET dans IΣ1 reste celle de Patrick. Pour ne retenir que trois points définissant ce premier cercle cégielskien mentionnons donc Kenneth Mac ALOON, Jean-Pierre RESSAYRE et Serge GRIGORIEFF.
Le contenu mathématique de ce premier cercle recouvre les modèles récursivement saturés de l'addition et de la multiplication, la décidabilité et l'axiomatisabilité finie en arithmétique, les extensions conservatrices de Peano et les preuves élémentaires en arithmétique.
Le deuxième cercle cégielskien : il entoure des questions toutes issues, en fait, de la décidabilité de l'arithmétique de SKOLEM et de l'indécidabilité de la théorie du successeur et de la coprimarité, indépendamment démontrée par Alan WOODS et moi. Il s'agit de chercher les limites entre des théories qui contiennent la multiplication ou des morceaux de la multiplication comme la divisibilité, des morceaux d'addition (comme le successeur ou l'addition restreinte aux nombres premier) et de la primarité (que ce soient des nombres premiers ou des puissances de nombres premiers). Sur ce cercle se trouvent évidemment Patrick et moi, mais nous y sommes rejoints par le grand, tant par l'œuvre que par la taille, Yuri MATIYASEVICH. Ce cercle s'active dès 1992 avec la preuve de l'Indécidabilité de la théorie des entiers naturels munis d'une énumération des premiers et de la divisibilité (C.R. Acad. Sc. Paris). Avec Yuri nous publions aussi une synthèse au JSL sur des questions de Définissabilité et de Décidabilité dans des extensions des entiers munis du prédicat de divisibilité. Patrick ajoute à cela un article aux Annals of Mathematics on Artificial Intelligence, où il montre que nous avons une première preuve de non définissabilité via la complexité. Nous nous sommes intéressés - informatique oblige - aux théories arithmétiques du premier ordre qui permettaient le codage et le décodage des listes. Nous sommes aussi passés - et c'était la rencontre avec le regretté Ivan KOREC décédé en août 1998 - à la fonction de couplage de CANTOR, impliquant au passage dans une note au CRAS et un article à TCS notre patron commun Serge, pour montrer que la théorie de ce couplage est décidable. À la suite de ce résultat, Patrick et moi ajoutons la fonction successeur à ce couplage de CANTOR et, de façon surprenante, nous démontrons en une longue preuve de plus de 20 pages que la théorie reste décidable. Plus tard, je crois que c'est Bruno POIZAT qui m'a signalé que ce résultat avait été également prouvé par des logiciens de Yerevan dans le cadre des Modèles Stables.
Ici intervient notre rencontre commune avec le brillant élève de Yuri qu'est Maxim VSEMIRNOV avec lequel nous présentons quelques résultats sur la théorie additive des nombres premiers. C'est toujours la quête du mystère de la décidabilité-indécidabilité, de l'amalgame des deux théories décidables ou de fragments d'entre elles que donne l'addition d'un côté et un morceau de multiplication de l'autre. Ce travail avec Maxim est publié à Yerevan en 2003, puis en une version améliorée au Congrès dédié au Professeur Andrzej GRZEGORCZYK sous le titre On the additive theory of prime numbers II, paru en Pologne in IOS Press, 2007, Topics in Logic, Philosophy and Foundations of Mathematics and Computer Science. Les deux versions de ces résultats existent donc et heureusement, car la version présentée au JSL fut ... perdue par les éditeurs !
Ce cercle contiendra aussi notre présentation commune faite à New York dans des JAF organisées par Roman KOSSAK à la City University of New York (CUNY) et qui essaie de répondre à cette question vaste et intrigante : What are Weak Arithmetics ? Question un peu tardive qui ressemble à celle de notre élève puis brillant collègue Jean-Yves MARION, un informaticien qui cherche une définition de ... l'information, attitude qui ressemble aussi à celle de l'homme qui se demande d'où il vient et où il va et dans quel état il erre. Pour dédramatiser une telle situation du philosophe se retournant sur son passé, la langue française présente heureusement cette quête philosophique avec un jeu de mot ridiculisant sa prise au (trop) sérieux par « D'où viens-je, où vais-je, dans quel état j'erre ? ». Quant à nous, nous avons appelé « Faibles » par antinomie inconsciente d'arithmétiques qui posent pourtant bien des problèmes...
Un troisième cercle cegielskien : celui des étudiants des autres.... S'ouvre ici un cercle nouveau dans lequel Patrick se rapproche de plusieurs de mes anciens étudiants de Thèse avec lesquels il noue des liens scientifiques en poursuivant des recherches ou en s'activant avec eux dans les activités de congrès ou de publications d'Actes. Entendez-moi bien : il ne s'agit évidemment pas de détournement de mineurs mathématiques, les impétrants étant des majeurs mathématiques et des chercheurs chevronnés munis de travaux connus, de doctorats, de postes de Maîtres de conférences voire de Professeurs. En commençant par mon élève numéro 1 Malika MORE, Patrick rédige avec elle l'introduction aux Arithmétiques Faibles parue en 2004 à TCS, puis Patrick reprend les p-destinées de Francis NÉZONDET dans un article sur la décidabilité et les p-destinées paru au Zapisky Nauchnyh Seminarov POMI en 2003, et au Journal of Mathematical Sciences, en 2005. Puis Patrick rencontre Alexis BÈS, dont je ne connais plus le numéro parmi mes élèves qui furent 13, et publie avec lui des résultats sur les structures décidables faiblement maximales (sous le titre Weakly maximal décidable structures au RAIRO (Theoretical Informatics and Applications)). Ils récidiveront sur les Structures maximales non décidables dans le Journal of Mathematical Sciences. Il est arrivé que Patrick partage avec moi tout-de-même des travaux d'étudiants communs comme, par exemple, dans le cas de François HEROULT, élève du DEA de Paris VII où j'ai officié. Patrick, cet étudiant et moi avons découvert quelques résultats sur l'Amplitude des intervalles d'entiers naturels dont chaque élément est premier avec aucune des deux extrémités (résultats parus à TCS).
Quatrième cercle cégielskien : c'est en fait une sphère familiale augmentée. Depuis les frères Bernoulli, pour ne pas dire les générations de Bernoulli, les mathématiques produites en famille ne sont pas fréquentes. Pourtant nous en avons ici un exemple dans les collaborations fructueuses entre Patrick et son épouse Irène, informaticienne et mathématicienne active et de talent. Irène et Patrick ont publié avec Yuri un premier article en 2008 puis Irène et Patrick se sont intéressés à l'inclusion des arbres dans les fenêtres et les tranches de données : tree inclusions in windows and slices paru sous le titre Subsequence matching problem is linear et dans un autre article d'Information Processing Letters à propos de Multiple serial episodes matching. Il est naturel d'étendre encore la famille nucléaire au père mathématique de Patrick et ce sont quatre articles que Patrick, Serge et Irène rédigent d'abord dans le domaine des treillis d'ensembles réguliers clos par décrémentation et trois autres papiers de théorie des nombres - et là j'admire l'éclectisme - qui sont Newton représentation of functions over natural integers having integral difference ratios à l'International Journal of Number Theory en 2015 puis une caractérisation des congruences de Z/nZ dans lui-même selon des polynômes rationnels (paru dans Integers en 2016). En 2017, le cercle familial encore étendu à Serge publie un article sur les fonctions préservant les congruences dans les monoïdes libres (Algebra Universalis). Suivent en 2020 et 2021 des travaux d'Algèbre universelle trois articles rédigés avec André Arnold, et toujours Patrick, Serge et Irène sur des questions de Complétude Affine d'Arbres Binaires.
Quelle activité. ! Mon passage en revue des productions des cercles cégielskiens est d'ailleurs incomplet, car il y a au moins deux articles dont, comme disait le défunt humoriste Coluche regardant des livres, je ne comprends pas vraiment le titre, ainsi, par exemple, en est-il de la Normalization of Extended Abstract State Machines.
Une anecdote en conclusion : l'élève numéro zéro et le superviseur numéro 2. J'ai eu comme étudiante de thèse, en 1997, une jeune mathématicienne lyonnaise nommée Françoise MAURIN qui a démontré dans sa thèse que la théorie multiplicative des entiers avec l'ordre naturel restreint aux nombres premiers est décidable. Alors que je jouissais d'une retraite peut-être méritée, je reçois d'Albert VISSER, le 9 juin 2020 un mail dans lequel il m'annonce avoir lu le papier paru au JSL sur ce résultat et m'indiquant que le produit gauche d'entiers naturels introduit entre entiers pour simuler l'addition dans l'ordinal oméga puissance oméga ne permettait pas de définir la primarité. Une seconde faute apparaissait dans la définition d'un prédicat clé pour la preuve de la décidabilité. Albert me demandait de pouvoir joindre Françoise MAURIN, ce que je n'ai pas su faire. Le problème devenait grave : un directeur de thèse est responsable des erreurs de son élève.
Je me mis à tenter de réparer cette faute. En vain. C'est alors que je me suis dit que si Patrick ne fut jamais mon élève numéro zéro, il fut mon superviseur numéro deux (après Serge) et qu'il m'avait découvert à temps une faute grave dans un article à paraître aux Annals of Discrete Mathematics. (À l'époque, il me faudra une dizaine de pages de démonstration pour remettre les choses en l'ordre). Patrick prétend que la longueur de mon rapport sur sa thèse d'état (12 pages) fut une réponse symétrique à sa critique (fondée) de mon résultat. Toujours est-il qu'en juin 2020, je me suis dit qu'élève numéro zéro ou non, Patrick était mon superviseur numéro 2 et qu'en tant que tel il lui revenait de réparer cette faute, en ami et en mathématicien professionnel venant à l'aide d'un retraité du domaine.
J'allais donc tenter de le joindre quand Albert VISSER et Fedor PAKHOMOV (autres participants des JAF) m'informèrent qu'ils avaient résolu la question et que la rectification serait publiée au JSL, ce qui fut fait rapidement en juillet 2020. Ouf ! Merci Albert, merci Fedor.
L'article du JSL ne s'intitule pas : « Deux fautes dans la preuve de décidabilité de la thèse de Françoise MAURIN supervisée par Denis RICHARD » mais : « On a result of MAURIN ». Les mathématiques et l'élégance y ont sauvée la décidabilité que Françoise et moi avons risquée de perdre.
Je voulais Patrick terminer cette reconnaissance de ton activité mathématique en t'invitant à rendre virtuelle ta retraite par une activité accrue au moment où notre pays prive d'éducation scientifique valable notre jeunesse, manque de professeurs, n'assure pas leur formation. Cette recommandation risque heureusement d'être inutile car ton parcours montre clairement que ta retraite sera très active et que tu sauras contredire pendant longtemps ces quelques vers d'Aragon :
Peu à peu tu te fais silence,
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps.